Quand la résistance s’organise…
Face à tout changement qui se profile, la résistance s’organise : il faut l’entendre comme métaphore politique, c’est-à-dire, en cas d’attaque d’un pays par un autre, telle une réaction saine face à la menace d’être dépossédé d’une identité qu’il s’agit de défendre. Ou comme métaphore biologique, telle la réaction immunitaire d’un organisme face à la présence d’un corps étranger, ou encore celle d’un écosystème face à des perturbations qui en menacent l’équilibre.
Bref, il y a du nouveau dans la Psyché : une partie de celle-ci n’aime pas ça du tout et compte bien s’en défendre. Ainsi, le désir de changement est toujours contrebalancé par un désir de protection de l’intégrité de soi. Or, le processus analytique relève parfois de l’inertie d’un paquebot : difficile au démarrage, mais une fois lancé, difficile de l’arrêter ! Il arrive alors qu’on ait l’impression que « ça va trop vite ». Cette sensation parfois déstabilisante d’un mouvement qui s’emballe n’est autre que la crainte d’en être dépassé, voire dépossédé : « Ce mouvement est-il toujours le mien ? » semble s’inquiéter une part de la Psyché.
En vérité, la nature psychique est bien faite : c’est un système qui s’autorégule. Pour peu que l’analyste dose correctement ce qu’il vous faut de facilitation et de soutien, voire d’aiguillon subtile, sans tomber pour autant, par impatience, dans un quelconque forçage qui pourrait réitérer la situation traumatique et mobiliser des résistances massives, tout se passe exactement au bon rythme pour vous : le vôtre.

Si au contraire vous avez la sensation que « ça ne va pas assez vite », c’est peut-être que vous « résistez » un peu trop, sans vous en être rendu compte. Et c’est compréhensible : le changement fait peur ! C’est humain, animal même. Nous nous identifions à nos souffrances, nous nous habituons à ce qu’elles permettent, et nous n’aimons pas la nouveauté. Une part de soi préfèrera toujours s’accrocher à un enfer sans nom mais terriblement familier, plutôt qu’aller au-devant de l’inconnu.
Il arrive aussi que ce soit l’analyste lui-même qui résiste au processus d’une analyse : il se peut que quelque chose le mette particulièrement à mal, pour des raisons qui le regardent et sur lesquelles il lui sera nécessaire de travailler de son côté, afin de ne plus gêner le travail. L’analyse de l’analyste n’étant jamais terminée, et il lui faudra trouver des espaces dévolus à la poursuite de ce travail : un échange avec un autre analyste peut suffire, quelques séances avec son propre analyste peuvent être nécessaires, une véritable « supervision » pour les analystes débutants semble plus que recommandée, mais parfois aussi, les espaces collectifs de travail peuvent offrir à l’analyste en difficulté de quoi élaborer ce qui lui arrive.
« Il n’y a de résistance que de l’analyste », était allé jusqu’à dire Lacan. Car in fine, l’analysant n’ira jamais plus loin que le permettent les propres limites de l’analyste : c’est donc d’abord à ce dernier de travailler à les repousser constamment.
Les résistances, ça n’est donc pas si mal, mais point trop n’en faut, de part et d’autre, sans quoi, aucun travail ne serait possible !